Reconnaître un beau cuir : les pièges à éviter

Un bel article de maroquinerie doit être réalisé dans un beau cuir afin qu’il puisse durer dans le temps. Mais comment reconnaître un cuir de qualité lorsqu’on est noyé sous une avalanche d’informations trop souvent dictées par la mode et le marketing, au lieu d’avis objectifs et qualifiés.

LES PIEGES A EVITER :

Ils sont souvent basés sur des idées reçues, accumulées par la lecture d’articles non éclairés et par l’écoute d’arguments marketing non objectifs.

La plupart des notions suivantes sont vraies mais il ne faut en aucun cas les généraliser, au contraire il faut savoir nuancer en développant sa vision.

C'est ça le plus important : développer son regard sur les produits et faire abstraction du reste.

Un article d’une grande marque n’est pas nécessairement dans un beau cuir :

Inutile de vous expliquer que de nos jours, ce n’est pas parce que l’on paye un produit cher qu’il est nécessairement de qualité même si l’on est en mesure de l’espérer.

La toile enduite n'est pas du cuir

Comme son nom devrait le sous-entendre, la toile enduite n’est pas du cuir mais bien de la toile !

Nous revenons la dessus, car même si son nom devrait l'indiquer, il y a bien trop de malentendu sur ce matériau.

Elle peut avoir des avantages pour le consommateur comme sa légèreté, sa protection aux rayures et aux taches, son imperméabilité, mais peut s’abimer très rapidement dans le temps si elle est de mauvaise qualité.

La plus connue dans le monde entier est bien évidemment celle de notre malletier français Louis Vuitton.

Cette invention révolutionnaire pour l'époque a vu le jour en 1896 grâce à l'ingéniosité de Georges Vuitton, fils de Louis Vuitton, qui souhaitait alléger les malles en cuir de l'époque et les rendre plus résistantes. On comprend l'intérêt de cette invention quand on sait comme les malles étaient maltraitées à l'époque étant donné les conditions de transport.

Aujourd'hui, les malles ne représentent qu'une infime partie de la production de cette maison, et l'usage de cette toile s'est étendu bien plus loin que les malles pour être maintenant utilisée sur tous types de produits. 

La croissance phénoménale de cette maison portée par cette toile que tout le monde reconnaît, a poussé d'autres marques à suivre le pas. Même des marques non issues de la malleterie, confectionnent aujourd'hui de la maroquinerie dans une toile monogrammée, souvent de bien moins bonne qualité et se détériorant très vite.

En plus d'être un excellent outil publicitaire de rue, la toile enduite a l'avantage d'être moins couteuse que le cuir. Sauf dans le cas de toile enduite peinte au cadre qui représente une infime partie de la production, la toile enduite a un coût de revient au mètre carré très nettement inférieur au cuir.

En outre, contrairement au cuir, cette toile enduite fournie sur de gigantesque rouleau permet un rendement matière énorme. Et oui, le cuir plus il est haut de gamme, moins il est recouvert et donc plus les défauts sont apparents. Ainsi, on va devoir écarter tous ces défauts à la coupe, tout comme les parties flancheuses d'une peau qui doivent être écartées. Pour la toile quant à elle, elle ne comporte quasiment pas de défauts ni de parties flancheuses.

Et oui le cuir n’existe pas en rouleau !

Si on ne garde que les plus belles parties d'une peau cela entraîne beaucoup de chutes.

Ne pas penser qu’un cuir est meilleur qu’un autre :

Attention c’est le premier piège classique de penser qu’un cuir est meilleur qu’un autre, tout dépend de l’usage de ce cuir. Chaque cuir a sa particularité dépendant de son origine animale mais aussi de son tannage et de sa finition .

Prenons l’exemple de l’agneau, il s’agit d’un excellent cuir pour l’habillement et la ganterie car il a un grain naturel très fin mais il est surtout très souple. Cependant, il n’est probablement pas judicieux de l’utiliser en maroquinerie, autrement que pour les doublures, car sa souplesse et sa fragilité en font des défauts pour ce type d’utilisation, les articles vont alors se déformer très vite et s’abimer.

Chez Pichet Paris, nous utilisons différents cuirs (voir nos cuirs) tout en sachant qu'ils ne vont pas se comporter de la même façon.

Ce qui démontre le mieux ce propos, est la combinaison que nous aimons utiliser du cuir de taurillon à l'extérieur et du cuir de chèvre à l'intérieur.

La belle souplesse de notre cuir de taurillon permet d'avoir une très "belle main" sur nos produits. De plus, notre cuir de taurillon a beau être souple, il n'en est pas pour autant fragile, ainsi il va savoir se déformer et se détendre à l'utilisation sans craqueler.
Notre cuir de chèvre utilisé en doublure permet d'apporter de la rigidité et de la tenue à nos produits. Une meilleur résistance à la déformation donc et ainsi une plus grande durabilité.

Notre Porte-cartes Citadin en taurillon châtaigne et intérieur en chèvre orange

Un cuir tanné végétalement n’est pas forcément de meilleure qualité :

Une chose est certaine, le tannage de ce cuir est bien meilleur pour l’environnement que le tannage au chrome, cependant il n’est pas nécessairement de meilleure qualité que ce dernier. Bien évidemment il est moins répandu que le tannage au Chrome à l’échelle mondiale (10% contre plus de 80%) mais ce dernier connaît un véritable engouement ces dernières années.

Ce retour aux origines du tannage est très bien pour l’environnement, mais des tanneries se servent de cet engouement pour tanner végétalement à bas coût des cuirs de façon très rapide alors que ce tannage nécessite du temps en théorie. Ainsi ces cuirs au mauvais tannage végétal vont se détériorer très vite dans le temps.

Ainsi, il ne faut jamais se dire qu’un cuir est mieux qu'un autre : tout dépend de l’utilisation recherchée et de l’esthétique. Les cuirs tannés végétalement seront plus rigides et plus fermes donc moins souples que les cuirs tannés au chrome.

De plus, le cuir tanné végétalement n'est bien souvent pas protégé (cuir aniline) et ainsi il va pouvoir respirer. Ces cuirs sont donc plus fragiles aux tâches, aux griffures et vont aussi prendre une patine dans le temps en brunissant, ce qui n'est pas du goût de tous qui préféreront alors un cuir qui n'évolue pas.

Nos ceintures Ardillon 35 sont doublées en cuir de veau au tannage végétal.

Cette doublure extrêmement solide va très bien vieillir dans le temps en obtenant une magnifique patine.

On observe bien la patine du temps sur les anses de ce sac en veau végétal naturel

Rappelons que si une peau est tannée de façon intégralement naturelle, sa teinte doit être aussi apportée naturellement, ce qui limite fortement la palette de couleurs à des nuances de marron, de brun, d’ocre… Attention donc aux faux arguments marketing !

Des cuirs tannés et teints de manière intégralement végétale

Un grain bien uniforme n’est pas nécessairement signe d’un cuir de bonne qualité :

C’est un des arguments les plus mis en avant. C’est en aucun cas vrai !

Dites-vous simplement qu’un cuir voire une croûte de cuir bien recouverte de produits chimiques (polyuréthane par exemple) peut être ensuite grainée mécaniquement (par une plaque chauffée) et le résultat sera bien uniforme et régulier.

Pour rappel, il existe trois familles de cuir : les cuirs lisses, les cuirs grainés et les veloutés (velours et nubuck). Si le cuir est grainé, il y a plusieurs façons plus ou moins bonnes de faire cela, le grain sera toujours bien uniforme et heureusement d’ailleurs.

Nous reviendrons sur les cuirs grainés dans un autre article.

Maintenant un cuir peut avoir un grain sans être grainé, c’est le grain naturel de l’animal. Celui-ci peut se retrouver sur le cuir sans accentuation ou après un foulonnage à sec qui est un procédé mécanique faisant ressortir le grain naturel des peaux, en les remuant à sec dans d’immenses tonneaux. Comme pour notre peau, une peau d’animal possède un grain plus ou moins accentué selon les parties du corps, c’est donc au travail du maroquinier lors de l'exercice de la coupe de sélectionner les parties bien homogènes en grain, de même c’est son œil expert qui permet de contourner les défauts intrinsèques de la peau : rides, cicatrices, …

De plus chaque peau étant différente, il y aussi des écarts de grain (taille, forme) entre deux peaux.

Dans un deuxième article, nous vous donnons nos astuces afin de reconnaître un beau cuir.